-- angel of the morning
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La nuit avait été longue, pénible. Les cris et les pleurs de Sofia n’avaient cessé qu’une fois les premiers rayons du soleil bien derrière eux, laissant place à la clarté du matin. Ils s’étaient d’abord relayés, Sienna et lui. Interchangeant les techniques qui se montraient toutes futiles pour calmer l’enfant agitée. S’offrant le luxe de fermer les yeux et, dormir un peu si la chance était de leur côté, pendant que l’autre s’épuisait les bras à tenir et bercer la petite. Et quand Hart posa son regard exténué sur une Sienna surmenée dormant à poings fermés sur le sofa, il n’eut le courage de la réveiller pour lui demander de prendre la relève. Elle en faisait tellement déjà pour lui, pour eux. Profitant du petit hoquet silencieux de Sofia, amortie par sa précédente crise de larmes, il parvint à recouvrir d’une main le corps endormi de son amie d’une couverture posée de l’autre côté du sofa. Il s’accorda le droit de l’observer quelques instants. Inspirant profondément, et relaxant ses épaules tendues. Comme si l’expression sereine qui s’affichait sur les traits de son visage suffisait à l’apaiser un peu, lui aussi. Comment avait-il pu passer tant de temps sans contact avec elle, si loin d’elle? Si leur complicité avait repris exactement là où ils l’avaient laissée des années plus tôt, il lui semblait aujourd’hui impossible de concevoir se priver de sa compagnie, de son support et de sa présence à nouveau. Comme s’il ne pourrait y survivre une seconde fois. Il errait dans les différentes pièces de la maison, évitant le salon, le menton posé délicatement sur le crâne de sa nièce. Ses pleurs ayant laissé place aux hoquets, puis aux babillements avant de finalement cesser. Et il continuait de marcher, d’errer. Ignorant ses bras engourdis, épuisés sous le poids grandissant de l’enfant. Perdu dans ses pensées jusqu’à ce que la fatigue ne ralentisse ses pas. Il réalisa enfin qu’elle s’était finalement endormie, ses respirations régulières et son petit poing agrippant mollement le tissu de son chandail. Et pourtant il continuait de la tenir près de lui, l’enlaçant tendrement. Elle était devenue le centre de son univers. Et dans les moments de calme, de silence, il était toujours happé par la constatation qu’il était le sien également. Hart resserra inconsciemment son étreinte et écrasa un baiser sur le sommet de son petit crâne, la lèvre tremblotante. Il s’accrochait autant à elle, qu’elle à lui. Parce qu’ils avaient perdu leur famille. Craignant que ses pensées ne l’agitent trop, ne le plonge dans ce gouffre de tristesse qui menaçait toujours de s’ouvrir sous ses pieds, il se convainquit finalement de déposer sa nièce dans son berceau, placé à quelques pas du lit qu’il occupait dans une chambre vacante de la maison de Sienna. Inquiet que ses pensées sombres ne prennent le dessus alors qu’il fixait le plafond, il se concentrait sur les respirations constantes et régulières qui émanaient du berceau à ses côtés et se laissa emporter dans un profond sommeil. Sursautant, Hart se redressa d’un mouvement rapide, la fatigue et la confusion évidentes sur les traits de son visage marqué par la fatigue et le chagrin. Étaient-ce les pleurnichements de Sofia ou la porte de la pièce qui avait été ouverte qui l’avaient réveillé? — "You didn’t wake me up." Le ton accusateur attira son attention vers la silhouette de Sienna qui continuait son chemin dans la pièce. Les jambes nues, le t-shirt qu’il reconnaissait comme étant l’un des siens, lui arrivait à la moitié des cuisses. — "You looked so peaceful. Couldn’t bring myself to wake you." Il accompagna son sourire le plus innocent d’un léger haussement d'épaules. Elle leva les yeux au ciel, mais ne put retenir le sourire qui étirait ses lèvres. Sienna leva une main vers lui. Lentement, comme tiraillée entre l’envie et la raison. Timidement. Puis, elle enfouit ses doigts dans sa chevelure, Hart ferma les yeux au contact. Relâcha cette respiration qu’il n’avait pas réalisé qu’il retenait. C’était nouveau, tout ça. Eux. Les choses changeaient, sans vraiment qu’ils n’osent en parler, se confronter. Peut-être qu’ils avaient peur que la raison ne les force à arrêter ce qu’ils avaient commencé. Il était fiancé. Sa vie à elle était ici et la sienne n’y était plus. Peut-être qu’il avait peur que ça soit trop facile. De rester ici, avec elle. Pour toujours. Que de la choisir ne serait pas le tourment que ce devrait être alors qu’il proclamait en aimer une autre. — "Well, now it’s my turn. So go back to sleep. I’ve got her." Son ton était si doux, si tendre. Ses doigts glissèrent le long de son visage, traçant délicatement sa joue, puis le long de sa mâchoire, puis son cou et son épaule. Jusqu’à ce que le contact ne soit rompu, alors que son corps la guidait vers le berceau dans lequel s’impatientait l’enfant. — "You’re an angel. A literal angel." Déclara-t-il, avant de se laisser théâtralement retomber sur le dos. Quelque part entre un aveu trop sincère et une plaisanterie. Pour s’empêcher de la rattraper et l’emmener dans le lit avec lui. Se cachant derrière leur camaraderie. Il observait chaque mouvement qu’elle faisait, du léger regard agacé (mais pas vraiment) qu’elle lui jeta par-dessus son épaule, à la façon dont elle se pencha au-dessus du berceau, ses longs cheveux l’empêchant d’admirer le sourire qu’il devinait sur ses lèvres. — "Shh. Shh. Let’s get you out of here. Your old uncle must get his beauty rest or else he’s gonna be insufferable all day." Elle se redressa, Sofia dans ses bras, et posa son regard folâtre sur Hart, qui avait sa main posée sur son cœur une mine faussement outrée au visage. La camaraderie, la sécurité. Pourtant, leurs regards s’attardaient, ancrés l’un dans l’autre. Et ils ne souriaient plus. C’était toujours là, ça. Cette tension qui planait entre eux dès qu’ils se laissaient se regarder, qu’ils oubliaient de plaisanter, de feindre l’ignorance de ce qu’ils avaient éveillé entre eux. Sauvés par sa nièce qui meubla le silence trop lourd d’un pleurnichement. — "Are you hungry? Let’s get you fed!" Un baiser sur la joue de l’enfant et tout était rentré dans l’ordre. Pourtant, quand elle passa à côté de lui, son regard figé sur la peau souple et soyeuse de sa cuisse, il ne put se retenir d’y poser son index, glissant lentement jusqu’à la bordure de son t-shirt. Il sentit son corps se raidir sous son doigt vagabond et souffla un rire discret. Tant mieux. Il se vengeait pour ce qu’elle avait éveillé en lui plus tôt alors qu’elle frôlait la peau de son visage. Mais elle continua sa route, et ne retourna la tête vers lui qu’avant de franchir le seuil de la porte. Incapable de réellement déchiffrer le regard qu’elle posait sur lui. Peut-être un trop grand mélange d’émotions conflictuelles. — "Angel" Réitéra-t-il doucement, un sourire de gamin aux lèvres. Elle roula les yeux à nouveau, puis disparu de son champ de vision. Le sourire qui jouait sur ses lèvres resta en place alors qu’il soupirait, quelque chose de chaleureux, de content, de bien qui lui gonflait le torse. Les yeux à nouveau clos, il se plia à la demande de Sienna et s’accorda le loisir profiter d’un peu plus de sommeil.