-- falling again (elian)
Mustache Marshall :: — STARS HOLLOW, CT :: blossom avenue :: The Old inn

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Don’t do this to me. Les mots lui revenaient sans cesse. Presque une imploration. Il avait cru qu’elle accepterait. Qu’elle laisserait l’autre en plan, qu’elle lui prendrait la main et sortirait avec lui. Que la nuit leur appartenait. Il avait eu tort. Il était resté là, à la regarder s’éloigner. L’humiliation l’envahissant, puis laissant place aux remords. Il réalisait qu’il était allé trop loin. Qu’il n’avait pas le droit de lui demander une telle chose. Et qu’avait-il à lui offrir, exactement? Quelques semaines à s’imaginer qu’ils avaient toujours la même chimie, qu’ils avaient toujours une place dans la vie de l’autre? Puis, il repartirait. Et il n’aurait réussi qu’à la blesser, une fois de plus. Il était rentré. La mine basse, les mains enfouies au fond de ses poches. Seul, enfermé entre ces quatre murs. L’ironie de cette chambre. Les souvenirs qu’elle comportait. Les heures s’écoulaient lentement alors qu’il tournait en rond. Fixait obstinément une feuille qui restait blanche. Qu’il gribouillait de quelques mots avant de se décourager, de l’arracher de son cahier. Ses idées embrouillées éparpillées sur le lit, à l’image de ce fouillis qui lui embrouillait les esprits. Puis il sortait sur le balcon, en simple t-shirt. L’air froid pénétrant les mailles de ses vêtements, picotant sur sa peau. Il était épuisé. Par la tournée, par le poids des attentes, la pression. Le constat amer de ce qu’il avait perdu – plus évident que jamais alors qu’il foulait les rues de sa ville natale. De son ancienne vie. Pourquoi avait-il voulu plus? Il ne se croyait pas plus heureux depuis qu’il avait réussi. Il retournait à la chambre, s’abandonnant un instant sous les jets brûlant de la douche. Des bouts de phrases qui lui venaient en tête, des bouts de chansons. Jamais rien de concluant. Il n’y arrivait pas. N’y avait plus. Avant, c’était simple, facile. Aujourd’hui, il angoissait à l’idée de composer ne serait-ce qu’un couplet. Puis, il se résilia à se coucher. Sachant, au fond, qu’il ne dormirait pas. Que ses pensées n’allaient que dans une seule direction : Elian. Que faisait-elle? Où étaient-ils allés? Avait-il essayé l’embrasser… S’était-elle laissée faire? Il était plongé dans la noirceur, fixant un point au plafond. Le sifflement de son oreille l’agaçant. Son corps ressorti amoché de cette longue tournée. L’asthme, l’acouphène. Personne pour s’inquiéter de son état. La lueur à l’écran de son portable le tira de ses pensées. Un numéro inconnu. C’était elle. Aussitôt, en position assise. Fixant l’écran. Are you alright? Did something happen? qu’il voulait lui écrire. Une vague d’inquiétude le happant. Un autre message. Ses excuses pour la façon dont ils s’étaient quittés. Ils s’écrivaient comme d’anciennes connaissances. C’était peut-être plus facile sans être face à elle. Il lui écrit, jusqu’à ce qu’il soit dérangé par le batteur du groupe. Bourré, tambourinant à sa porte. Hurlant depuis le couloir. De nouveau éveillé. Il ne dormirait jamais. Inconscient du temps qui passait. Des minutes ou des heures. Il l’ignorait. Plongé dans la noirceur, sans repos. Surpris, puis irrité quand on frappa à sa porte. Forcément son band mate. Il se tira du lit, lentement. — "I told you to get fucking lost…”, commença-t-il avant même d’ouvrir la porte. Son irritation plus qu’évidente alors qu’il mit une fraction de seconde à réaliser qui se trouvait devant lui. — "Elian. I thought you were.. someone else.", souffla-t-il finalement, surpris. — "Come in." Un regard furtif jeté au couloir qui semblait désert. Les sourcils froncés, l’air confus. Il recula dans sa chambre, la laissant entrer. Réalisant l’état pitoyable des lieux. Réalisant qu’il n’avait enfilé qu’un pantalon après sa douche. — "So you can’t sleep either?", lui demanda-t-il un sourire tiraillant les commissures de ses lèvres. Il aurait voulu lui demander pourquoi elle était là. Mais il craignait qu’une telle question la fasse fuir.

Une tentative de baiser qu’elle esquiva maladroitement, suivie d’un long silence gênant qui vint confirmer qu’il n’y aurait pas de second rendez-vous. Il n’avait pas tourné les talons qu’il n’était déjà plus qu’une historie ancienne, relayé au second plan de cette soirée mouvementée. Bien qu’ayant été le parfait gentleman dont on lui avait fait l’éloge, Elian n’avait su connecter avec lui. Elle ne l’avait écouté que d’une oreille distraite, n’accordant que très peu d’attention aux diverses tentatives de séduction de son prétendant. Des conversations insipides, comme elle l’avait prédit, puis cet égo surdimensionné qui n’avait su que l’exaspérer. Son esprit embrumé par l’alcool, mais aussi toujours enivrée par la familière odeur de Graham qui semblait flotter autour d’elle, elle n’avait cessé de penser à lui. Dès le moment où elle lui avait tourné le dos, puis ensuite quand elle s’était trouvée assise face à cet autre homme. Tout au long de la soirée, elle n’avait été capable de le chasser de ses pensées. En s’engouffrant dans sa maison, enfin seule, c’était encore leur échange qui lui revenait en tête, telle une boucle infernale. Pas tout à fait dégrisée, les idées encore un peu embrouillées, elle ouvrit une bouteille de vin. Un réflexe, quand elle était tourmentée. C’est avec une généreuse coupe d’un grand cru qu’elle se cala dans un bain, dans l’espoir de se changer les idées. Dans l’espoir de penser à autre chose qu’à lui. La chaleur de l’eau, la douceur de la mousse onctueuse qui l’enveloppait, ainsi que cette longue gorgée de vin ne furent qu’une distraction momentanée. Les dernières paroles de Graham ne cessaient pourtant pas de lui revenir en tête. Don’t go. I can take you anywhere you want. Et si elle avait accepté, où l’aurait-il amenée. Qu’auraient-ils fait? Pensait-il encore à elle, et lui en voulait-il d’avoir décliner sa demande? Elle poussa un long soupir. Hésitante, elle trouva son nom, qu’elle n’avait jamais effacé de son portable. Se demandant s’il avait changé de numéro. Incapable de résister à cette soudaine envie qui s’était emparée d’elle. Celle de lui parler à nouveau. Son cœur tambourinait dans sa poitrine, en attente d’une réponse de sa part. Quand celle-ci arriva, sa cadence accéléra en une danse frénétique. Elle souriait, alors qu’ils échangeaient comme de vieilles connaissances. Comme si rien n’avait ravagé leur union et démoli leur complicité. Une évidence s’imposa dans son esprit embrumé. Elle devait le voir. C’est sans vraiment penser aux conséquences, sans se soucier de l’heure tardive, qu’elle se rendit à l’hôtel où résidait son ex-mari. Dans leur chambre. D’une déconcertante assurance, elle frappa quelques coups sur la porte. Elle sursauta, puis recula d’un pas, quand de l’autre côté s’éleva la voix de Graham. Les sourcils froncés, elle hésita à faire demi-tour, mais déjà, la porte s’ouvrait. Devant elle, Graham, torse nu. Elle baissa les yeux, puis avança dans sa chambre, les mots emprisonnés dans sa gorge sèche. Ce n’est que lorsqu’il supposa qu’elle n’arrivait pas à dormir qu’elle s’adressa enfin à lui.  — "Not so much... I, um, I had a lot on my mind.", expliqua-t-elle brièvement, un sourire tiraillant la commissure de ses lèvres. Une certaine timidité dans la voix, ses yeux qui ne savaient où se poser. Intimidée de l’avoir devant elle, si peu vêtu. Cette impression de ne pas, ne plus, avoir le droit de regarder. Elle se mordillait la lèvre, observant la chambre qui semblait figée dans le temps.  — "I don't know who you thought I was, but I wouldn't want to be them. That was a bit… harsh.", dit-elle dans un rire qui trahissait sa nervosité. Maintenant qu’il était là, elle ne savait ni quoi faire, ni quoi dire. Sa confiance évaporée. Cet arrière goût amer de regret. — "Sorry for barging in like this. I needed to see you. Now that I’m here I feel pretty foolish. It’s the middle of the night. You were obviously in bed. I just…" Elle marqua une pause, poussa un léger soupir.  — "I just couldn’t stop thinking about you. Even though I shouldn’t. I shouldn’t even be here. In this room."  Our room. Elle secoua doucement la tête. Elle souffla, elle devait se détendre. Esquiver ce terrain dangereux sur lequel elle s’était aventurée. Un nouveau regard autour d'elle, avant qu'enfin, elle ose poser les yeux sur lui.  — "You know you ruined my date, right?", lâcha-t-elle dans un rire, l’ombre de leur ancienne complicité dans le regard.  — "I mean, he never really had a chance. But after seeing you..." La suite en suspens. L’aveu qu’il avait tout chamboulé.

La porte se refermait et, aussitôt, la chambre lui paraissait plus petite, étroite. Son regard se posait sur les vêtements qui jonchaient le sol, sur les papiers chiffonnés éparpillés. Se râclant la gorge nerveusement, il s’affaira à ramasser quelques déchets ici et là. Sa nervosité, son inconfort évident dans ses mouvements. — "Sorry for the mess, I wasn't expecting a visitor.", s’excusa-t-il avant de stopper net. La scène lui semblait désormais si familière. Un gout amer en bouche, un parallèle à cette visite surprise qu’elle lui avait faite à Londres. La journée de leur rupture. Il lâcha les vêtements et papiers sur le bureau, inspirant profondément avant de finalement se retourner vers elle. Elle avait pénétré dans la pièce, mais elle ne s’était installée nulle part. Sa nervosité évidente aussi alors qu’elle observait la chambre. Il ne pu réprimer un léger rire de franchir ses lèvres alors qu’elle mentionnait l’accueil qu’il réservait à celui qu’il croyait être de l’autre côté de la porte. — "Don't worry about him, he's an idiot.", répliqua-t-il, suivi d’un haussement d’épaule désinvolte. Mais il ne l’était pas, désinvolte. Elle le rendait nerveux. Elle et son débit. Elle et ses paroles trop près d’un aveu. I needed to see you. I just couldn’t stop thinking about you. Il comprenait ce qu’elle ressentait. Il le ressentait également. Bouleversé de la revoir, happé de plein fouet par les innombrables souvenirs qu’il avait tenté en vain d’enfouir, d’oublier. Troublé par leur complicité qui, en dépit de ce qu’il avait pu faire ou dire pour l’obliger à lui tourner le dos, demeurait la même, s’imposait entre eux telle une évidence. Il aurait voulu la rassurer, lui dire qu’elle avait bien fait de venir, que lui aussi n’avait pu la chasser de ses pensées alors qu’il la savait avec un autre. Mais il savait qu’il devait la laisser aller. Il en avait fait trop, déjà. S’était laissé emporter au bar, lui avait demandé de rester avec lui. Sa présence en ville ne devait rien changer entre eux, entre les directions opposées qu’avaient prises leurs vies. Qu’adviendrait-il d’eux lorsque le voyage du groupe en ville arriverait à échéance? Sa raison lui criait de la raisonner, de faindre l’indifférence. Pour elle. Pour la protéger de lui, une fois de plus. Mais son cœur s’emballait dans sa poitrine, ses entrailles se nouaient. But after seeing you… Il soupira, les yeux clos. Était-ce l’alcool qui parlait? Regretterait-elle ses paroles le matin venu? — "I don't know, Elian... He seemed like a winner to me. I liked his haircut, very posh.", répliqua-t-il dans l’espoir de désamorcer la situation, d’esquiver la conversation qui approchait. — "Maybe he deserves a second chance..." Un haussement d’épaules et un faible sourire, triste. Peut-être qu’au fond il ne parlait pas du type du bar. Peut-être qu’il parlait du type qui lui avait brisé le cœur à Londres, lui. — "It's still there, you know ... Behind the headboard.", dit-il sans offrir la moindre précision. Il savait qu’elle comprendrait. Tout comme elle avait compris dans quelle chambre il résidait. Elle non plus n’avait pas oublié ces souvenirs qu’ils avaient accumulés, construits au fil des années. Il hésita quelques secondes avant de s’avancer vers elle, vers le lit. Se faufilant à ses côtés, son torse nu frôlant son dos alors qu’il lui prenait la main, la guidant aisément à l’endroit où il avait gravé leurs initiales, bien des années plus tôt, alors qu’ils étaient de jeunes mariés. — "Right … here", souffla-t-il au contact de la gravure. Hésitant, il relâcha finalement sa main, laissant son bras retomber à ses côtés. Trop près d’elle, alors qu’il pouvait parfaitement humer son parfum. Son estomac se nouait, par la violence de sa nostalgie, par les remords qui refaisaient surface. — "You shouldn’t be here Elian", soupira-t-il. Sa locution lente, prudente, presque implorante. Que recherchait-elle ? Des réponses? Du réconfort? Les battements de son coeur affolés par la peur de la suite, par les remords qui le grugeaient. Le poids de ses mensonges passés refaisant surface, les remords d’être revenu, conscient que sa présence en ville avait un impact sur la vie d’Elian. Conscient qu’il l’empêchait d’aller de l’avant. Sa venue en était une preuve.

L’étrange sentiment d’avoir été propulsée dans une ancienne vie, quelques pas hésitants la menant au centre de la pièce. Les souvenirs lui submergeaient l'esprit, y déferlant tel un flot tumultueux, alors que nerveusement elle scrutait l’endroit où résidait Graham. Cette chambre, louée une première fois, alors qu’ils étaient jeunes, naïfs, énamourés. Puis plusieurs fois par la suite, témoin de leur idylle, des moments marquants de leur union. L’ironie qu’ils se retrouvent à nouveau entre ces quatre murs lui arracha un sourire forcé. Sorry for the mess. Un brutal retour à cette scène beaucoup trop familière. Ils le savaient tous les deux, leurs corps tendus, à cette constatation commune. Ces mêmes excuses qu’il avait prononcées à Londres, quand elle était venu le surprendre. Elle déglutit difficilement, ignorant la remarque, comme si elle ne l’avait pas entendue. L’atmosphère rapidement détendue par Graham, qui d’une pique bien placée parvint à la faire sourire, brièvement. Puis, la mention inattendue. Prise de court, le souffle coupé. It's still there, you know ... Behind the headboard. La marque indélébile de leur amour, qu’ils croyaient à l’époque éternel. Cette soirée qu’elle n’avait jamais oubliée. Les étoiles dans les yeux, la passion dans les veines, dans le cœur. Amoureux, fébriles, nouvellement mariés. Cette promesse qu’il avait gravé pour elle. Cette promesse qu’il n’avait su tenir. Son cœur accéléra férocement contre sa poitrine quand il s’empara de sa main. La nostalgie, violente, dévastatrice, alors qu'elle s'attardait aux initiales gravées dans le bois du lit. — "I can’t believe it’s still there.", articula-t-elle faiblement, son attention pourtant portée ailleurs, déconcentrée par le contact de la peau de Graham contre la sienne. Ses sens en ébullition, un nœud au creux du ventre. L’instant rompu, presqu’aussi rapidement qu’il avait été initié, alors qu’il relâchait ses doigts. Elle ferma les yeux et poussa un soupir. — "You’re right. I never should’ve come here. This was a bad idea.", avoua-t-elle à mi-voix. Elle secoua doucement la tête, se mordillant la lèvre. Il avait raison. Elle n’avait rien à faire ici. Ni dans sa chambre, ni dans sa vie. Elle n’aurait jamais dû venir le retrouver. Elle n’aurait dû pas faire confiance à son instinct qui l’avait jetée sur ce terrain glissant. Elle n’aurait jamais cru une telle dualité possible, un tel amas de contradictions. Elle était confuse, perdue, ses émotions tel un incontrôlable chaos qu’elle ne parvenait à démêler. Ce sentiment qu’elle ne devrait pas être là, avec lui, dans sa chambre. Si près de lui. Cette proximité, cette intimité, eut l’effet d’un déclic. C’était une erreur, de le laisser s’immiscer à nouveau dans sa vie. Elle ne devait pas baisser sa garde, le laisser briser cette carapace qu'elle avait mis des mois à bâtir autour de son cœur qu'il n'avait pas épargné.  — "Actually, you shouldn’t be here. In Weymouth.", répliqua-t-elle d’une voix blanche, faisant un pas vers l’arrière. L’accusation était injuste. Irrationnelle. — "I was doing fine. I had finally moved on. But now…", soupira-t-elle, la suite interrompue, en suspens au bout de ses lèvres. Comment pouvait-elle lui en vouloir autant qu’il lui manquait? À nouveau cette bataille intérieure que se livraient un alliage d’émotions contradictoires. La mâchoire serrée, les mains tremblantes, elle s’en voulait. À elle, autant qu’à lui. Elle avait honte, surtout. Honte de ne pas le marteler de ces questions qui étaient sans réponse depuis trop longtemps. Honte de ne pas tourner les talons et partir, quand il était encore temps. Elle fit plutôt un pas de plus vers lui, instaurant à nouveau entre eux une dangereuse proximité. — "I miss you, Graham. I wish I didn’t. But I do." Un aveu qui franchit ses lèvres promptement, sans qu’elle n’y réfléchisse vraiment. Sans qu’elle ne prenne le temps d’évaluer son impact, ni même sa véracité. Elle ne répondait plus qu’à ses sens engourdis, enivrée de l’odeur familière de son ex-mari, chamboulée par la sensation encore présente de sa main précédemment dans la sienne. — "I don’t trust myself around you. And yet, I can’t bring myself to leave.", souffla-t-elle, son regard s’accrochant au sien. Elle ne savait plus ce qu’elle cherchait exactement. Ni ce qu’elle attendait de lui. Ce n’était pas réellement elle qui parlait. C’était autant l’alcool que cette inapaisable nervosité. Tous ces souvenirs qui s’entrechoquaient en elle. Elle avait cette impression de n’être que spectatrice, sans le moindre contrôle, prisonnière d’une spirale infernale. La raison, complètement écrasée par les envies déraisonnables de son cœur déboussolé, qui semblait avoir momentanément oublié les ravages du passé. Son ton, ses yeux l’imploraient, mais elle ne savait pas de quoi. L’implorait-elle de la laisser partir avant qu’elle ne commette l’irréparable, ou cherchait-elle plutôt à ce qu’il la réconforte dans cette vulnérabilité qu’elle se permettait d’afficher.

La proximité entre eux lui faisait perdre ses moyens, perdre sa volonté. Le mensonge qui avait eu l’effet d’une bombe au sein de leur couple, de leurs vies n’avait pas été réfléchi. Improvisé, maladroit. Une sortie de secours qu’il croyait lui offrir. Pour son bien. Il avait cru que ce serait simple. Cruel et crève-cœur, mais simple. Qu’elle le détesterait, qu’elle n’aurait jamais de doute sur leur rupture. Et jamais il n’aurait cru se retrouver dans une telle situation avec elle. Si près d’elle à nouveau. Ni vivre cette soirée durant laquelle les souvenirs de leur union jadis idyllique revenaient le happer. Il s’était fait à l’idée avec les années. À cette vie fade. À cette succession de mauvaises décisions qu’il avait enchaînées et qui avaient eu un impact sur sa vie. Le succès, mais à quel prix? Il lui semblait que la liste de ce à quoi il avait renoncé était bien plus longue que ce qu’il avait gagné. Elle disait vrai, il n’aurait pas dû revenir. Il avait cru naïvement qu’il pouvait faire ce voyage sans la blesser. Sans se blesser. Qu’il parviendrait à garder ses distances. Il avait eu tort. I miss you, Graham. I wish I didn’t. But I do. L’aveu lui arracha un soupir. Il pouvait lire la confusion sur les traits de son visage, la ressentait dans ses propos contradictoires. Pourtant, sincères. La colère et le ressentiment mêlés à ce qui restait d’eux, de leur histoire achevée trop tôt. Il voyait le mal qu’il lui avait fait, qu’il ravivait avec son retour. Son estomac noué, il déglutit péniblement. Il n’avait pas la force de la repousser, de la convaincre de l'erreur qu'il représentait. Pas une seconde fois. Il ne pouvait plus jouer le jeu, feindre être celui qui avait bafoué leurs vœux de mariage. I don’t trust myself around you. Mais lui non plus ne pouvait se faire confiance. Pas ce soir. Il était épuisé, confus. La montagne russe d’émotions qu’il avait subies avait eu raison de sa force, de sa volonté. — "You can’t do this, Elian…", souffla-t-il faiblement. Le regard implorant pourtant illuminé par un faible sourire aux commissures de ses lèvres. — "I’ve been going mad all night in here while you were out with that fucking guy… And now you show up here and you tell me these things and…", articulait-il péniblement. Confus, agité. Réalisant qu’il était en train de craquer, qu’il perdait le contrôle sur ses émotions. Sur ses actions. — "And you look at me like that.", conclut-il en un soupir, un faible sourire aux lèvres. Il s’avouait vaincu. — "I wish you didn’t miss me. I wish you couldn’t even stand to look at me. Maybe then I could let you go." Penaud, honteux. Une révélation qu’il peinait à s’avouer à lui-même. Il était toujours attaché à elle. Malgré les mensonges, malgré le divorce. Il n’y avait jamais réellement eu personne d’autre. Que des histoires sans lendemain, une solitude trop pesante qu'il tentait parfois de taire. Le coeur barricadé, toujours meurtri. — "You shouldn’t be here, because I can’t be trusted around you, Elian. But … I don’t want to hurt you. You know I would never do any--" Il stoppa. Réalisant qu’elle ne savait pas. Qu’elle ne pouvait pas savoir qu’il ne lui ferait jamais de mal. Parce qu’il lui en avait déjà fait. Qu’elle sache la vérité ou non, ses motivations. Tout ça n’y changeait rien. Il l’avait blessée, l’avait trahie. Il avança d’un pas hésitant vers elle. Leur proximité dangereuse. La tension à son comble alors qu’il ignorait la suite. De ses propos, de ses actions. Il ne calculait plus, ne réfléchissait plus. Enivré par la nostalgie. Enivré par sa présence ici, si près de lui. Il voulait oublier cette version de l’histoire - la réalité - pour un moment. — "Please, don’t leave…" Il posa délicatement les paumes de ses mains sur son visage, laissant son pouce effleurer sa lèvre. Oublié le sifflement incessant dans son oreille. Il n’y avait plus que le tambourinement frénétique des battements de son coeur affolé. Son regard sombre obstinément posé sur ses lèvres vint finalement s’ancrer dans son regard. À la recherche d’un signe. De son accord. Peut-être le repousserait-elle encore. Peut-être que ce serait pour le mieux. Mais il s’accrochait à l’espoir que, elle aussi, ressentait le besoin de se livrer à la nostalgie. Que, pour un instant, elle aussi désirait se sentir comme avant.

Elle s’était imaginé leurs retrouvailles des centaines de fois, des scènes élaborées dans son esprit tourmenté, souvent imaginées avec colère. Toujours la même trame, le même tableau, la même amertume. Elle s’était imaginé des confrontations lors desquelles elle le persécutait, déferlait sur lui un venin teinté de toute la rancœur qui empoisonnait son cœur meurtri. Les accusations, les questions brutales, la recherche de ce qu’elle n’avait jamais eu. La réponse à ses questions, la vérité. Des scénarios fictifs qui n’avaient rien en commun avec la situation dans laquelle elle se trouvait. Elle n’était que contradictions, un chaos dans la tête, incapable de réfléchir convenablement. L’hostilité envolée, remplacée par cette inapaisable envie de retrouver leur complicité d’avant. Comme si rien n’était venu les détruire. Dans l’air, une tension dangereuse, ils jouaient avec le feu, la crainte de se brûler semblait évaporée. Ses yeux avaient trouvé les siens, elle le défiait d'un regard dans lequel semblait briller une lueur amusée. — "You're the one who started... whatever this is. You bought me a drink. And then you asked me to ditch my date. I wouldn't be here, looking at you like that, if it weren't from you." L’accusation prononcée dans un haussement d’épaules, un demi sourire étirant ses lèvres, consciente de sa part de sa responsabilité, alors que c’était elle qui lui avait écrit. Elle qui l’avait rejoint ici. Décision qu’elle ne pouvait s’amener à regretter, pas même quand il laissa entendre qu’elle ne devrait pas être là. Qu’il ne se faisait pas confiance en sa présence. Cette impression qu’ils partageait, celle qu’ils commettaient une erreur délibérée. Qu’ils ne devraient pas se faire confiance l’un en présence de l’autre. I don’t want to hurt you. Un sourcil haussé, un léger rire qui franchit le seuil de ses lèvres. Too late for that, qu’elle ne put s’empêcher de penser. Et pourtant, toujours incapable de se ramener à l’ordre, acceptant cette vulnérabilité avec laquelle elle s'exposait à une éventualité d'être à nouveau blessée. Puis les mains de Graham qui vinrent se poser contre son visage, le contact de sa peau doucement contre ses lèvres. L’estomac noué, elle peinait à respirer. Ce n’était pas de cette façon qu’elles devaient se dérouler, leurs retrouvailles. C’était une erreur. Elle se le répétait en boucle, le cœur tambourinant contre sa poitrine. Si fort, si rapidement, qu’elle en avait le souffle coupé. Don’t leave. Ses prunelles ancrées aux siennes. Une tension palpable. — "I’m not going anywhere…", souffla-t-elle lentement, son regard plongé dans le sien. Sa main tremblait alors qu’elle venait retrouver celle de Graham, ses doigts effleurant délicatement sa peau. Elle ne le voyait plus, ce danger vers lequel elle s’aventurait aveuglément, troublée par cette nouvelle proximité qu’il avait imposée entre eux. — "Being here, with you… it makes no sense.", ajouta-t-elle en secouant doucement la tête. Elle était hésitante, l’incertitude vibrant dans la voix, les mots s’échappant lentement d’entre ses lèvres. Comme si elle n’osait les prononcer. De peur de rompre le moment, de brusquer cette lueur de complicité entre eux. Sa poitrine se soulevait au rythme accéléré de ses repirations saccadées, son cœur cognant férocement contre sa cage thoracique. Un brouillard dans la tête, tous ses sens engourdis, mais surtout une indomptable attraction vers cet interdit. Vers ce qu’elle allait assurément regretter, mais qui, à cet instant, paraissait comme la seule chose à faire. Flancher. Céder à ce que tout son corps embrasé désirait. Succomber à cet appel du passé, à la nostalgie de ce qu’ils avaient un jour été. Les doigts de son autre main qui, instinctivement, glissaient contre la peau de son torse. — "But somehow… it feels right?" Un murmure envolé d’entre ses lèvres, qui s’apparentait à une question. Ses yeux qui ne le quittaient plus, son regard implorant qui se noyait dans le sien, son corps attiré vers lui, tel un aimant. Ça lui paraissait maintenant comme une évidence. Il n’y avait toujours eu que lui. Ces relations malsaines et éphémères qu’elle avait accumulées, ces hommes qui n’avaient été de passage que pour la désennuyer, et puis cet homme parfait, ce rendez-vous auquel elle s'était rendue pour se faire croire, naïvement, qu’elle était passé à autre chose. Une succession de tentatives ratées pour l’oublier lui. Pour se convaincre de ce qu’elle ne voulait s’avouer, de ce qu’elle ne constatait que maintenant qu’il était là, si près d’elle. Elle n’était pas passée à autre chose. Elle ne le ferait probablement jamais, car en dépit de tout, en dépit de son cœur qu’il avait abîmé, en dépit de leur union fracassée par son infidélité, il n’y aurait toujours que lui.

Elle vint poser sa main contre la sienne d’un geste délicat, presque une caresse. Son estomac noué, son cœur affolé. La tendresse de son geste timide lui semblait aussi familière qu’étrangère. On ne l’avait touché ainsi depuis leur séparation et jamais il ne croyait qu’on le ferait de nouveau. Ces aventures insipides et éphémères n’atteignant jamais autre chose qu’un simple besoin à combler, une solitude à apaiser. Il lui semblait impossible d’être toujours droit, debout. Pourtant, il ne bougeait pas, retenait sa respiration alors que son regard se posait sur la main d’Elian. Les sourcils froncés, observant le doigt où son alliance aurait été. Le seul rappel à la réalité alors que tout le plongeait dans le passé. It makes no sense. Graham ferma les yeux, baissant légèrement la tête. Il était donc là ce rejet qu’il redoutait, qui lui semblait inévitable. Mais il n’osait pas bouger, attendait la suite. Comme si le temps s’était arrêté, les secondes lui paraissaient interminables. Il la voyait. Voyait ce combat intérieur qu’elle semblait se livrer, devinait sa raison qui se battait contre ses pulsions. Mais elle ne reculait pas. Sa main trouvant plutôt son torse. Sa peau qui s’embrasait sous ses doigts, les battements de son cœur qui s’emballaient. But somehow… it feels right? Son regard ancré au sien, il acquiesçait presque imperceptiblement de la tête. Comme une confirmation, un accord sous son regard presque implorant. Il n’y avait plus d’autre choix, plus d’autre option. Céder. Céder à la tentation, céder au passé et à cette nostalgie presque violente. Sans savoir ce que ça impliquait, ce que ça signifierait pour la suite. Plus qu’eux, plus que maintenant. Plus d’espace entre eux, alors que son visage s’approchait du sien. Délicatement, prudemment. Ses lèves posées contre les siennes, son pouce caressant sa joue. Un baiser timide qui contrastait avec ses sens en ébullition. — "You’re the only thing that ever felt right to me.", avoua-t-il faiblement ses lèvres à peine éloignées de celles d’Elian. Quelques secondes en suspens, alors qu’il l’observait. Elle ne l’avait pas repoussé, n’avait pas reculé. Comme hypnotisé, perdu dans son regard sombre alors qu’il ressentait toujours la pression de ses lèvres pressées contre les siennes. Ce n’était pas assez, pas suffisant pour faire taire cette envie, ce besoin. Ce besoin d’elle, ce besoin d’oublier les dernières années. Oublier que leurs vies avaient pu prendre des chemins séparés. Sa main glissa jusqu’à sa nuque tandis que l’autre se posa au bas de son dos. Il la guidait plus près de lui, si c’était seulement possible que leurs corps soient davantage près. Et, cette fois, il se laissait aller. L’embrassait avec passion, avec ardeur. Révélant tout ce que cette soirée, ce que leurs retrouvailles avaient réveillé en lui. Sa main glissant sous son chandail, les doigts caressant furtivement la peau aussi douce que brûlante de son dos, de sa taille, de sa poitrine. Parcourant sa peau, ses courbes comme il avait pu le faire d’innombrables fois. — "El’, I … " Sa voix en un soupir, presque un râlement. Haletant, son cœur tambourinant contre sa poitrine. Réussissant à se rattraper, à se retenir de justesse avant de franchir un interdit. Un I love you que ni lui, ni elle n’aurait compris. Appartenant peut-être au passé, alors qu’ils étaient transportés dans une autre époque et que les souvenirs refaisaient surface, venant les happer sans les épargner. Son esprit tourmenté, déchiré. Puis ce surnom qui glissait si facilement d’entre ses lèvres, qu’il s’était gardé d’employer tout au long de la soirée. Aurait-il menti? Peut-être l’aimerait-il toujours. Peut-être n’avait-il jamais cessé de l’aimer. Mais il savait qu’une telle déclaration n’avait pas sa place, plus sa place entre eux.

Il ne suffit que du contact de ses lèvres doucement posées sur les siennes, de son souffle se mêlant au sien, de sa peau effleurant la sienne pour qu’elle flanche. S’abandonne dans ce qui était une erreur, une faiblesse, mais qu’elle ne voyait plus que comme une évidence. L’inévitable. Immobile, ses prunelles ancrées aux siennes, son corps si près du sien. L’impossibilité de revenir en arrière. Le besoin de céder à ses envies, de le retrouver. You’re the only thing that ever felt right to me. Si seulement il savait. Elle s’était perdue. Devenue une autre, qu’il n’aurait pas reconnue. Qu’elle-même ne reconnaissait plus. Une période aussi sombre que floue durant laquelle elle avait sombré. Le réconfort momentané qu’elle ne trouvait plus qu’en enchaînant les aventures insignifiantes, éphémères. Détachée, les émotions barricadées, et ce sentiment de vide que n’importe quel inconnu n’arrivait à réellement combler. Aucun d’entre eux n’arriverait à égaler ce qu’elle avait avec Graham. Ce feu qu'il attisait au creux de son ventre, qui embrasait chaque parcelle de sa peau. Ce feu ravivé en elle, alors qu'à nouveau leurs lèvres se scellaient en un baiser ardent, puis un second. Cette sensation à la fois familière et vivifiante qui lui avait manqué depuis que leur union avait volé en éclats. Ses doigts parcouraient fébrilement ses épaules, son torse, arrêtant leur course contre ses hanches auxquelles elle s’accrocha. Attirés l’un à l’autre comme des aimants, à présent guidés par leurs insatiables pulsions. Une complicité électrique telle qu’elle le fut à l’époque, incitant cette déclaration interrompue juste à temps. Des mots qu’elle devinait aisément, qu’elle ne voulait pas entendre. Qu’elle ne pouvait pas entendre. Et ce surnom qui s'échappa d’entre ses lèvres comme si leurs chemins ne s’étaient jamais séparés. — "Don't...", murmura-t-elle. Ses mots en suspens, la crainte de tout faire basculer. Son cœur qui se serra. Don’t ruin this moment. Elle secoua doucement la tête, son front effleurant le sien. — "Don't say anything", souffla-t-elle plutôt contre sa bouche, avant de s’en emparer à nouveau, farouche. Impatiente. Ses lèvres parcouraient sa mâchoire, poursuivant leur trajectoire fiévreuse vers son cou. Leurs deux silhouettes pressées l’une contre l’autre titubèrent entre les vêtements qu’ils s’étaient empressés de laisser choir parmi ceux qui jonchaient déjà le sol. Laissant enfin leurs corps brûlants fusionner, vibrer. Se redécouvrir et se reconnaître au gré de leurs mouvements, dans cette chambre qui à nouveau devenait témoin de la danse enflammée de leurs deux silhouettes enlacées. Comme elle l’avait été de si nombreuses fois dans le passé. Haletante, sa poitrine se soulevant rapidement au rythme effréné de sa respiration qu’elle peinait à récupérer. Elle n’osait plus le regarder, les yeux rivés au plafond. Elle se redressa du matelas sur un coude, passant une main dans ses cheveux emmêlés. — "That was...", commença-t-elle à mi-voix, puis lâcha un dernier soupir. Exténuée, comblée, les joues rougies. Amazing. — "...unexpected.", continua-t-elle en posant enfin ses yeux sur lui, un léger sourire effleurant ses lèvres engourdies. Si elle était venue frapper à la porte de la chambre de Graham sans intention précise, ce n’était pas de cette façon qu’elle s’était imaginé leur seconde confrontation. Elle le détaillait d’un regard timide, laissant lentement la réalité la rattraper. Celle qu’elle avait enfouie, celle qu’elle avait momentanément oubliée. Les réponses qu’elle était venue chercher. Son cœur qu’il avait démoli. Que faire, maintenant que l’interdit était franchi, leurs envies assouvies? Qu’une partie d’elle n'avait pas eu assez de lui, son corps ne demandant qu’à frissonner une fois de plus sous le sien. Elle ramena contre sa poitrine le drap froissé, sondant la pièce pour ses vêtements. Un étrange sentiment de déjà-vu. Peut-être était-ce vraiment ce qu’elle était venue chercher. Peut-être étaient-ce ses attentes. Elle n’avait pourtant réussi qu’à s’embrouiller davantage l’esprit. — "Fuck Graham", soupira-t-elle, secouée d’un rire nerveux. — "What have we done." Question qui n’en était pas une. Adressée à elle plus qu’elle ne l’était à lui. Et dont la réponse était évidente. Simple. Ils avaient tout compliqué.

Don’t say anything. Son souffle contre ses lèvres provoquant un frisson qui parcouru son corps. Elle avait raison. Ils le savaient tous les deux que c’était fragile, ce moment. Qu’ils désiraient tous les deux cette proximité, qu’ils voulaient s’abandonner et se plonger dans le passé. Mais que c’était aussi délicat que dangereux, qu’un seul faux pas risquait de briser cet équilibre délicat, rompre le moment. De ses lèvres, elle parcourait sa mâchoire, son cou. Et il perdait la raison. Trop faible, complètement gagné d’avance. Un grognement à peine audible en guise de réponse : continue. Se laissant guider, encourager par ses soupirs et ses ongles qui s’enfonçaient dans la chaire de son dos. Ils se connaissaient par cœur à une époque et tandis que leurs corps bougeaient presque machinalement au même rythme, reprenant cette danse qu’ils avaient dansée tant de fois, il avait presque l’impression que tout était comme avant. Comme s’ils ne s’étaient jamais quittés, comme s’il ne lui avait jamais brisé le cœur. Enivré par ses baisers, par la moindre de ses caresses. Elle lui avait manqué, terriblement. Leurs souffles qui se mêlaient, les battements de leurs cœurs qui étaient animés par le même rythme. Un dernier baiser volé avant qu’il ne se laisse retomber à ses côtés, le drap à ses hanches. Aussitôt happé par la réalité, par le silence qui planait. Leurs souffles saccadés, ce sifflement persistant dans son oreille. Il aurait voulu la prendre dans ses bras, sentir sa tête posée sur son torse, écouter sa respiration jusqu'à ce qu'ils s'endorment. Il savait qu'elle partirait, qu'il retrouverait un lit vide et froid. That was ... Unexpected. Il osa un regard vers elle, le sourire qui étirait les commissures de ses lèvres trahissait sa propre satisfaction, sa béatitude. Auprès d’elle, il s’était senti revivre. Plus vrai, plus lui qu’il ne l’avait été depuis longtemps. Il déposa un baiser timide sur son épaule, relevant les yeux vers elle. Se jurant de mémoriser cet instant. Ses cheveux légèrement en bataille, ses joues rougies. Elle était belle, magnifique. Ce pincement au coeur alors qu'il savait qu'il ne la reverrait probablement plus jamais ainsi. Dans sa vulnérabilité, dans son intimité. Il devait se rappeler que c'était une exception, un écart de conduite. What have we done. Elle prononça la pensée qui lui traversait également l'esprit. — "I … I don’t know.", avoua-t-il doucement aussitôt. Le sourire qui étirait ses lèvres quelques instants auparavant s’estompait déjà. Il aurait voulu que ce moment dure, aussi naïf que ce souhait puisse être. — "Being back home and seeing you tonight… It just brought back so many… Memories. Feelings." Il se surprit à employer le mot maison pour décrire Weymouth. Réalisant que toute cette soirée en sa compagnie lui avait embrouillé les esprits, l'avait engouffré dans une nostalgie qu'il refoulait. Il se redressa sur ses coudes, se mordillait la lèvre. Il ne savait pas. Ignorait ce que tout ça voulait dire, ignorait aussi comment il pourrait aller de l'avant. Continuer de vivre comme si cette soirée n'avait pas eu lieu, comme s'il n'y avait pas toujours une connexion palpable et tenace entre eux. — "It doesn’t have to mean anything, El…", murmura-t-il alors que sa main glissa le long de son bras avant de trouver la sienne, entrelaçant ses doigts aux siens. Comme pour la rassurer. Ça n’avait pas à être compliqué, ça n’avait pas à lui briser le cœur. Pourtant, il abîmait le sien au passage. Il espérait que ses mots ne la blessent pas, qu’elle ne les perçoive pas comme un détachement de sa part. Plutôt l’aveu qu’il ne s’imposerait pas à elle, qu’il ne s’immiscerait pas davantage dans sa vie. Pas si elle ne le voulait pas. Il savait qu’il avait déjà fait des dommages. Il savait qu’il avait déjà brisé les promesses qu’il s’était faites avant son retour : ne pas lui causer de tort, ne pas ressasser le passé. — "Maybe this is closure.", souffla-t-il doucement alors que ses doigts lâchaient les siens, sa main tombant à ses côtés. Il reprenait son souffle et, lentement, acceptait la réalité. Il aurait voulu que le moment dure, que le temps soit figé. Que ses lèvres puissent trouver les siennes encore, sans avoir à se justifier. Qu’il puisse laisser vagabonder ses doigts sur sa peau jusqu’à ce que le soleil ne vienne annoncer un nouveau jour, la fin de cette nuit surprenante. Mais leur temps était probablement déjà écoulé.

Elle la laissa presque s’installer, cette pointe de nostalgie, alors qu’entre ses doigts il glissait les siens. Replongée dans un passé pas si lointain, à cette époque où ils pouvaient passer des heures à se prélasser ensemble, entre les draps, leurs corps enlacés. Du bout des doigts elle caressait sa peau, détachée, machinale, laissant doucement l’illusion d’un réconfort de le ravoir à ses côtés s’installer. Ces mots qui résonnaient pourtant dans sa tête, telle une boucle infernale. L’ombre au tableau, des sentiments aigris amorcés. La confusion qui déjà se devinait sur ses traits. It doesn’t have to mean anything. Son esprit bouleversé, elle était à présent figée, tentant de lui donner raison, mais incapable d’en venir au même raisonnement. Puis le coup fatal, un rappel à la réalité, saisissant et brutal, ne laissant derrière lui qu’une désagréable amertume. L’instant ruiné par cette rétorque qui eut l’effet d’une douche froide, la dernière à laquelle elle se serait attendue. Consternée, prisonnière d’une stupéfaction la laissant muette, ses prunelles à présent assombries dardées sur lui. Elle se redressa, s’éloignant de lui instinctivement, les mots, les questions, se bousculant dans sa tête sans qu’elle ne parvienne à y mettre de l’ordre.  C’est après ce qui lui sembla une éternité qu’elle répéta enfin, à mi-voix, la gorge sèche. — "Closure?" Un rire à la fois aigre et nerveux s’échappa d’entre ses lèvres, alors qu’elle secouait lentement la tête, sidérée. La stupeur dans le regard, les sourcils froncés, incapable de croire ce qu’elle venait d’entendre. Une colère soudaine qui grondait en elle, lui tordant les entrailles, lui embrasant les joues. En colère, mais blessée, aussi. Blessée, humiliée de s’être laissée emporter dans cet élan de nostalgie, qui de toute évidence ne voulait rien dire. Elle serra la mâchoire, puis inspira lentement. Vulnérable et bafouée, devant la scène beaucoup trop familière qui lui laissait un arrière-goût amer dans la bouche. — "You’ve got to be kidding me. This is not closure, Graham. Not even close.", articula-t-elle lentement. Inconfortable dans cette intimité entre eux qui n’avait plus sa place. Enveloppée du drap du lit qu’elle quitta brusquement, à la recherche de ses vêtements égarés. Elle avait l’impression d’étouffer, dans cette chambre ou elle n’aurait pas dû se retrouver. Dans cette situation qui aurait dû être évitée, si seulement elle avait su se contrôler, s’empêcher de venir ressasser le passé. C’est les mains tremblantes qu’elle enfila rapidement ses vêtements. La soirée qui prenait, une fois de plus, une tournure inattendue. Elle ne pouvait définir cet écart de conduite, incapable de réellement comprendre ce que ça signifiait. Ce que ça changeait entre eux, ce que ça impliquait. Il n'avait pas tort, ça ne devait pas nécessairement signifier quoique ce soit. Mais elle ne pouvait faire autrement que lui en vouloir de l’avoir dit tout haut, détaché, indifférent. Ce qu’elle ressentait était un inexplicable fouillis d’émotions contradictoires. Il n’y avait qu’une chose dont elle était absolument certaine, ce n’était pas ainsi que leur histoire serait bouclée. Elle devait se distancer, s’éloigner, l’idée de simplement partir qui s’imposa comme une évidence. Elle reporta pourtant son attention sur Graham. Elle ne pouvait pas fuir, pas avant d'enfin savoir. — "This is your idea of closure? You come back, we spend the night together and then what? You just go back to being a rock star and I just stay back here wondering what the fuck happened." L’allusion qui s’élargissait à présent plus loin qu’à cette soirée, qu’à ce moment qu’ils venaient de passer ensemble. Cette question qui lui brûlait les lèvres depuis qu’ils s’étaient revus. Qui lui martelait le crâne depuis des années. Elle le défiait d’un regard perplexe, ponctuant chacun de ses mots. — "I’ll have closure when I know. When you tell me why. Why did you have to go and ruin what we had? Was it at least worth it? Wasn’t I enough? Don't I at least deserve some sort of explanation?" Les questions qui fuyaient d’entre ses lèvres, les unes après les autres, sans qu’elle ne lui laisse la chance de répondre. Et puis il y avait ces questions qu’elle n’osait pas poser. Tiraillée entre l’envie d’attendre les réponses aux questions qu’elle avait tues trop longtemps, et celle de se défiler avant d’entendre ce qu’il avait à dire pour se défendre. Terrifiée à l’idée d’entendre cette vérité qu’elle avait tant cherchée, mais qu’elle n’était pas certaine de pouvoir encaisser.

Il savait. L’instant suspendu, le temps arrêté après qu’il ait prononcé ses dernières paroles. Il savait la seconde où il sentit le corps d’Elian se raidir à ses côtés. Il avait trop parlé, mal parlé. Peut-être qu’il ne savait plus comment l’aborder, encore moins comment l’apaiser. Il aurait peut-être dû se taire, ne rien dire et profiter des quelques instants qu’il lui restait à ses côtés. Les sourcils froncés, il déglutit péniblement en étudiant les traits de son visage. This is not closure, Graham. Not even close. Il le savait qu’elle avait raison. Rien n’était réparé, rien n’était avoué. Et cette soirée, ce magnétisme toujours présent entre eux en était la preuve aussi. Il baissa le regard alors qu’elle sortait du lit, n’osant plus la regarder alors qu’elle enfilait rapidement ses vêtements. Redressé sur le lit, se mordillait l’intérieur de la joue. Il supposait qu’il ne restait que quelques secondes avant que la porte de la chambre ne claque. Il fut surpris par sa voix, reportant son attention sur elle. Elle ne partirait pas. Pas si vite, pas sans réclamer ce qui lui était dû. Il déglutit péniblement, s’extirpa du lit puis enfila rapidement quelques vêtements. Le lit défait, leurs cheveux en bataille trahissaient la complicité qu’ils avaient eue quelques instants plus tôt avant que la réalité ne les ait rattrapés. Wasn’t I enough? Le souffle coupé par cette réplique, par cette énième question. Graham baissa son regard, fixant obstinément un vêtement laissé au sol. Était-ce donc le genre de questions qui lui avait effleuré l’esprit? Il ne comprenait pas comment elle avait pu se remettre en question. Il avait cru que la suite serait simple, qu’elle le détesterait, qu’elle tournerait la page et qu’elle referait sa vie. Et pourtant ni elle ni lui n’avaient semblé réussir à tirer un trait. C’était l’évidence alors qu’il pouvait encore sentir son parfum contre sa peau. — "Elian…", souffla-t-il. Son cœur se serrait dans sa poitrine, les mots restaient coincés dans sa gorge. Il aurait voulu lui dire qu’il n’y avait pas une journée où elle n’avait pas effleuré ses pensées. Il voulait lui dire combien il avait regretté, combien il aurait dû se battre pour eux, pour leur mariage. Il aurait dû déchirer les papiers et la supplier, tout lui dire. — "It was me. It’s all on me. I wasn’t enough. Good enough, talented enough. Can’t you see that? I’m a fucking loser. I was only holding you back. There’s nothing to explain. It was no one … it didn’t even mean anything and maybe that makes it even worse." Ses paroles entre la vérité et le mensonge. Ce flou qu’il laissait planer, ne supportant pas d’ajouter une énième menterie. Il aurait voulu être honnête, il aurait voulu faire preuve de sincérité. Elle avait raison, elle le méritait. Mais elle semblait si fausse, si improbable, la vérité. Comment aurait-elle pu le croire, toutes ces années plus tard, s’il lui avouait avoir tout fabriqué. Comment lui expliquer que lui briser le cœur semblait être sa seule échappatoire? Et de quoi avait-il tenté si désespérément de se sauver? De son amour? De son support? Elle ne pourrait pas comprendre le geste, le raisonnement. Lui-même l’avait remis en question tant de fois. Finissant toujours par le même constat : elle était probablement mieux sans lui. Et il peinait à rester certain de ses convictions alors qu’il la voyait devant lui si affectée, si troublée. Par sa faute. Il ne l’avait pas trompée, mais il avait tout de même brisé les promesses qu’il lui avait faites. Et la vérité lui brûlait les lèvres, mais il devait se taire. — "For what it’s worth … I’m sorry." Un soupir lui glissa d’entre les lèvres. Désolé. Pour tout. De ne pas être à la hauteur, une fois de plus. — "You know I won’t stay. I can’t stay. There’s nothing here for me without… " Il marqua une pause, la suite de la phrase coincée dans sa gorge. Sans elle. Il passait une main sur son visage, épuisé. Cette soirée qui n’avait été qu’une montagne russe d’émotions qui l’avait laissé chaque fois retourné, déboussolé.

Elle s’était imaginé des centaines de scénarios expliquant l’infidélité de Graham. Souvent qui impliquaient un abus d’alcool menant involontairement à cette erreur de parcours. C’était la seule explication plausible. Celle qui sans être excusable demeurait celle qui lui faisait un peu moins mal. Un acte qui ne pouvait être délibéré, avait-elle en vain tenté de convaincre. Et toujours le même dévastant constat qui revenait. Il était impossible qu’à cet instant, il l’aimait encore comme il l’avait aimée quand ils avaient prononcé leurs vœux le jour de leur union. Elle avait accepté qu’il ait pu à un moment cesser de l’aimer, mais elle n’avait jamais su comprendre pourquoi. Elle qui avait toujours été à ses côtés, malgré la distance, à croire en lui. Elle qui n’avait toujours souhaiter que bonheur et succès dans sa quête pour la notoriété, dans la poursuite de ses rêves. Elle n’avait jamais remis en doute qu’un jour il lui reviendrait, l’avait attendu patiemment, convaincue que leur union tiendrait le coup. Qu’avait-elle fait pour que son amour pour elle s’estompe, s’éteigne, le poussant ainsi à commettre l’irréparable? Elle ne demandait qu’à comprendre. L’explication qui vint la laissant insatisfaite, incrédule. Blessée par ses dernières paroles, qu’elle accueillies tells une gifle en plein visage. There’s nothing to explain. It was no one … it didn’t even mean anything and maybe that makes it even worse. Les lèvres serrées, les mots coincés dans la gorge, elle se contenta de secouer la tête. Incapable de le regarder, le cœur tambourinant contre sa poitrine. La déception qui tapissait ses traits déconfits, les sourcils froncés, elle fit un pas vers l’arrière. À quoi s’était-elle attendue? Quelle réponse de sa part aurait-elle souhaité entendre? Une vérité qui ne lui semblait pas suffisante, mais qui pourtant était aussi banale qu’évidente. La bataille que livraient à nouveau les contradictions de ses émotions l’étourdissait. Le cœur serré à l’idée qu’il ait pu un jour penser qu’il n’était pas suffisant. L’envie lui dire qu’il avait tort au bout des lèvres. L’envie de le rassurer que jamais elle n’avait eu l’impression qu’il l’empêchait d’avancer, qu’il n’était pas à la hauteur. Qu’il n’était pas assez pour elle. Mais surtout, alors que la colère dominait à nouveau, elle combattait l’envie de lui dire que toutes ces raisons ne justifiaient pas qu’il l’ait trompée. Qu'il l'ait brisée. For what it’s worth … I’m sorry. Les traits à présent impassibles, son regard qui s’entêtait à éviter le sien. Si seulement c’était suffisant, qu'il soit désolé. La vulnérabilité qu’il affichait l’ébranlait plus qu’elle ne voulait l’admettre. Tiraillée entre l’instinct d’à nouveau baisser sa garde, de le réconforter et le réflexe de protéger son cœur qu’il n’avait pas épargné par le passé. Son regard valsait autour de la pièce qu’elle voulait quitter, la situation dans laquelle ils s’étaient mis devenue insoutenable. Distraite, elle ne reporta son attention sur Graham que lorsqu’il mentionna que rien ne le retenait à Weymouth. — "Yeah, well, you would have had it all here if you hadn't screwed it up, for nothing. If only it had at least been worth it." souffla-t-elle, résignée, dans un haussement d’épaules, une moue aux lèvres. Un reproche pour ne pas faire face à cette vérité qu’elle n’osait s’avouer. Elle ne voulait pas qu’il parte. Elle déglutit péniblement, puis se passa une main dans le visage. Elle était épuisée, l’esprit embrouillé. — "I think I should go. This was a mistake.", prononça-t-elle à mi-voix, secouant doucement la tête. Elle n’était pourtant pas convaincue qu’il s’agissait d’une erreur, mais ne pouvait rester plus longtemps. Ne pouvait plus supporter les répercussions de cette soirée aussi inattendue que mouvementée. La nécessité de se remettre les idées en place qui s’imposa à elle. Elle se dirigea vers la porte, laissant Graham derrière elle, ignorant son cœur qui s’enserra quand brièvement leurs prunelles se croisèrent. Elle mpoussa un soupir, la main refermée sur la poignée, puis elle s'arrêta. Elle se retourna une dernière fois vers lui, se mordillant la lèvre inférieure, ses yeux s’attardant sur sa silhouette. — "You were always enough for me Graham. Not once have I stopped believing in you or your talent. You're not a loser... It's just a shame you made such bad choices." C’est sans vraiment savoir si leurs chemins se croiseraient à nouveau qu’elle referma la porte de la chambre derrière elle.