-- as the world falls down (emmett)
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C’est vêtue d’une vaporeuse robe d’une douce teinte pastel sobrement accessoirisée de touches dorées qu’Heidi fit son entrée dans la salle de bal déjà bondée. L’ambiance féérique créée autant par la somptueuse décoration hivernale que par les tenues raffinées des convives ne manqua pas de l’émerveiller. Son regard pétillant ne savait plus où se poser, papillonnant d’un coin à l’autre de la salle, passant des lustres au plafond à la fausse neige scintillante sous ses pas. Aussi romantique que rêveuse, il n’était surprenant qu’elle raffole de ce genre de décor qui lui rappelait un conte fée. Elle s’y était rendue sans hésiter, bien qu’elle ne fût pas accompagnée, faute d’avoir convaincu celui avec qui elle aurait réellement voulu partager cette soirée. C’était pour elle une occasion de peut-être faire de nouvelles rencontres. Une flûte d’un délicat, mais savoureux, champagne entre les mains, se tenant un peu à l’écart, Heidi reporta son attention sur la foule qui était entassée dans la salle. Elle était à Brighton depuis un moment déjà, mais elle n’avait pas eu la chance de faire beaucoup de nouvelles rencontres si bien qu’elle se sentait légèrement dépaysée, un peu laissée à elle-même, dans ce bassin d’inconnus dont aucun visage ne lui était familier. Jusqu’à ce que ses yeux se posent sur lui, au loin, dos à elle. Figée, elle garda son regard rivé sur lui, soudainement atteinte d’une certaine nervosité, doublée d’une pointe de colère. Elle n’eut pas besoin de voir son visage pour le reconnaitre, ses cheveux distinctifs ainsi que sa posture lui suffirent. Emmett était là. Elle ne lui avait pas parlé depuis la dernière fois. Elle était blessée, en colère, ou peut-être même était-elle trop orgueilleuse. À nombreuses reprises, par le passé, elle était revenue à la charge, rares étaient les fois où elle s’était laissée abattre par les méchancetés dont il avait été capable de faire preuve. Mais pas cette fois. Heidi refusait d’accepter la façon dont Emmett lui avait parlé, si bien qu’elle s’était interdit de le revoir, de s’immiscer dans sa vie sans y être invitée comme elle le faisait depuis qu’elle le connaissait. De toute façon, il lui avait bien fait comprendre qu’il ne voulait pas d’elle dans sa vie. Elle n’aurait pas pensé le voir ici, lui qui avait maintes fois refusé son offre, ou plutôt ses implorations un peu trop enthousiastes, de venir avec elle à ce bal aux aspects féériques. Son attitude face à cette soirée avait été fidèle à lui-même, il s’était montré aussi désintéressé que catégorique dans son refus de s’y rendre en sa compagnie. Elle se surprit à se demander ce qui avait bien pu lui faire changer d’avis. Il était impossible qu’il ignore qu’elle ferait partie de cette fête annuelle vu l’intérêt qu’elle avait démontré. Elle flirta momentanément avec l’envie de s’éclipser en douce, de quitter la salle de bal ni vu ni connu avant qu’il ne la voit, pour disparaître dans la nuit encore jeune, mais elle préférait une possible, inévitable même, confrontation avec Emmett à l’oppressante solitude qui l’attendait dans la minuscule chambre d’hôtel qu’elle habitait. Une partie d’elle l’incitait à vouloir se fondre dans la foule, question qu’il ne puisse s’apercevoir de sa présence. L’autre partie d’elle, celle qui faisait en sorte qu’il lui manquait plus qu’elle ne voulait l’admettre, espérait paradoxalement qu’il l’aborde.

Il était finalement là. A ce bal dont il avait entendu parler à de nombreuses reprises depuis les dernières semaines. Il avait dû changer d’idée une bonne vingtaine de fois depuis les derniers jours. Il n’avait aucune envie d’être là, mais il ne pouvait se convaincre totalement de ne pas venir. Il n’avait pas la moindre envie d’y être et, pourtant, il y était. Peut-être que son envie de la revoir était plus grande que son besoin de solitude. Emmett s’en voulait terriblement. Il savait qu’il avait dépassé les limites, et de loin. Il l’avait repoussée un grand nombre de fois et il ignorait comment elle avait pu l’endurer, mais elle était toujours revenue. Excepté cette fois-là et il ne pouvait pas la blâmer. La musique était trop bruyante à son goût, trop enjouée et les scintillements des décorations et des lumières un peu partout dans la pièce lui donnaient déjà un mal de tête. Il étouffait dans sa cravate et regrettait d’avoir quitté le confort de ses vêtements habituels. Il soupirait alors qu’il regardait les bulles dans la flûte qu’il tenait à la main, sa deuxième, et qu’il faisait mine d’écouter ce qu’une vieille connaissance lui racontait. S’il semblait toujours aussi bourru qu’à l’ordinaire, c’était en réalité la nervosité qui l’affectait en cette soirée. L’impatience de voir si elle viendrait ou non. Il ignorait même si elle était toujours à Brighton, bien qu’il s’accrochait à cet espoir. Il releva les yeux vers son interlocuteur après un moment. Son regard rivé sur lui, les sourcils haussés. Il attendait visiblement une réponse à la question qu’il avait posée et qu’Emmett n’avait pas écoutée. — "It was nice talking to you, bud.", lâcha-t-il, en terminant son verre et tapant l’homme dans le dos, le laissant stupéfait. Il avait refusé les implorations infatigables de l’éditrice pour cette raison. Il ne voulait voir personne. Il ne voulait surtout pas être reconnu et devoir parler de son fameux prochain livre et, encore moins, revoir des vieux visages connus et devoir participer à des conversations polies et insipides, ni devoir leur annoncer son statut de divorcé. Il s’était ainsi faufilé dans un coin isolé de la salle de réception, abandonnant sa coupe vide sur une table quelconque, et faisait mine d’observer attentivement chaque décoration qui croisait son chemin. C’était stupide, sa présence à cette fête. Elle ne viendrait peut-être pas de toute façon. Emmett se retourna, faisant face à la foule festoyant. Il devrait partir. C’est à ce moment que son regard se posa sur elle. Élégante dans sa tenue. Magnifique, en réalité. S’il avait fait l’effort d’enfiler un habit, de peigner ses cheveux et tailler sa barbe négligée, il se sentait tout de même terriblement trop peu soigné pour l’occasion, du moins devant Heidi. Son regard posé sur elle, il attendait la suite. Il s’attendait à ce qu’elle tourne les talons, qu’elle rebrousse chemin. Elle restait pourtant immobile. La gorge nouée, il déglutit péniblement avant de faire son chemin dans la foule, ne la quittant jamais du regard. Il avait dû se préparer des centaines d’excuses depuis la dernière semaine et, pourtant, il les avait désormais toutes oubliées. — "Did you try the hors-d’œuvres? Avoid the tuna ones. They're terrible." Peut-être que les premiers mots qu’il aurait dû prononcer étaient "je suis désolé". Il ne tarderait pas à le découvrir. En réalité, n'importe quoi aurait été mieux que cette réplique. Quel idiot. Cherchant désespérément un serveur du regard, il avait la gorge sèche et avait grand besoin d’un peu de courage liquide.